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Favoris culturels de février

Favoris culturels de février

En 2017, vous aviez découvert sur le Bordographe une nouvelle catégorie d’articles, les « Humeurs chroniques », à mi-chemin entre des billets d’humeur et des chroniques de l’actualité culturelle à Bordeaux. Cette année, j’opte pour un choc de simplification en vous proposant un récapitulatif régulier — sinon mensuel — de mes « favoris culturels » à Bordeaux : expositions, littérature, publications sur les réseaux sociaux… Chacune de ces éditions mettra également en avant un article paru sur un autre blog, qu’il soit en relation avec Bordeaux ou non.

Séléné arrive sur Twitter

Séléné est la bibliothèque numérique de Bordeaux, qui permet un accès libre aux ressources patrimoniales numérisées de la bibliothèque municipale. Gravures, photographies, cartes postales, livres et manuscrits sont ainsi mis à la disposition des usagers, notamment des documents concernant l’histoire de Bordeaux et de l’Aquitaine.

Par conséquent, j’ai fréquemment recours aux richesses de Séléné — en particulier ses dessins et ses estampes — pour illustrer les articles du Bordographe. En outre, les fonds de Séléné sont directement accessibles depuis Gallica : une commodité de recherche lorsque j’ai besoin de consulter les deux bibliothèques numériques (Gallicanaute un jour, Gallicanaute toujours) ! Mais (comme le dit si bien Bernard Frédéric, « toutes les saloperies du monde ont été introduites par ce seul mot »), mais, donc, s’il ne fallait émettre qu’une seule critique : les vignettes des images disponibles sur Séléné ne s’affichent pas dans les résultats de recherche de Gallica… Séléné 1 – Gallica 0.

Le domaine dans lequel la bibliothèque numérique de la BnF reprend l’avantage est la communication sur les réseaux sociaux. Un tel mélange de rigueur scientifique, d’humour et d’originalité est une denrée rare dans l’internet culturel, qui fait les délices de ses abonné.e.s Twitter, Facebook et (depuis peu) Instagram. La créativité des publications incite les internautes à explorer et à partager les collections de Gallica, dont les conditions de diffusion sont particulièrement adaptées aux créateurs de contenus sur internet. En effet, Gallica a su fédérer une véritable communauté d’usagers — plaisamment baptisés les Gallicanautes — autour d’une idée maîtresse : la diffusion de ses quelque 4 450 000 documents et objets consultables en ligne.

Je ne pouvais donc que me réjouir en apprenant l’arrivée de Séléné sur Twitter le 2 février : @selenebordeaux. Déjà suivi par une centaine de personnes, je souhaite à ce compte une renommée aussi pérenne que celle de son illustre aîné !

Azerty le robot

Qui dit bibliothèque dit livre : si vous êtes en quête de nouvelles suggestions littéraires, je vous recommande de suivre la youtubeuse bordelaise Lemon June. J’ai fréquenté jadis quelques forums consacrés à la littérature, avant de me lasser de cette activité trop routinière et chronophage à mon goût. Youtube semble avoir pris définitivement la relève grâce à une joyeuse bande de lectrices et de lecteurs passionnés, dont les vidéos sont suivies par un public grandissant. Hélas ! le constat de mes premières errances sur la plateforme à la recherche de ce type de contenu fut plutôt décevant… De nombreuses chaînes de « booktubeurs » (contraction du mot anglais « book » et de « Youtube ») sont principalement axées sur des ouvrages ou des genres que je n’apprécie guère : les livres young adult, la romance ou la fantasy.

En revanche, les vidéos de Lemon reflètent tout à fait l’éclectisme de ses goûts en matière de lecture : des classiques, de la littérature asiatique, de la bande dessinée ou encore des contes. C’est vif, c’est frais, c’est pétillant et surtout bien argumenté ; ses critiques m’ont convaincue de me procurer — entre autres — Personne ne gagne de Jack Black et Martin Eden de Jack London *.

* Une étude américaine a récemment prouvé que la présence du prénom « Jack » sur la couverture d’un livre augmente vos chances de l’acheter de 12,57 % en moyenne.

Entre deux vidéos publiées sur Youtube, la jeune femme confie ses impressions sur sa lecture en cours dans les stories de son compte Instagram, que je consulte assidument. Dans l’une d’elles, tout à trac, il est question d’un livre qui a marqué son enfance : Azerty le robot.

MESDAMES ET MESSIEURS ! AZERTY LE ROBOT, QUOI ! J’ai traversé la vie avec la conviction intime que nous n’étions que six sur terre à l’avoir lu : ses quatre auteurs, son éditeur et moi. Alors imaginez ma stupéfaction en apprenant qu’une autre membre de l’espèce humaine (bordelaise de surcroît) avait jadis posé ses yeux sur les pages de ce monument méconnu de la littérature jeunesse illustrée.

Les auteurs des dessins, François Boisrond et Hervé Di Rosa, sont diplômés de l’École nationale supérieure des Arts décoratifs de Paris. Ils ont contribué à la création du mouvement « Figuration libre », apparu en France au début des années 1980, qui proposait une peinture colorée, enthousiaste — voire désinvolte — en rupture avec la sévérité de l’art conceptuel et minimal de la décennie précédente. En perpétuant l’intérêt que portaient les avant-gardes de la première moitié du XXe siècle à des formes d’expression marginalisées (art africain et océanien, dessins d’enfants, de malades mentaux, bande dessinée, publicité…), les artistes de la Figuration libre prônaient une création émancipée de la hiérarchie des genres culturels et des frontières géographiques.

De nombreuses expositions en France et à l’étranger ont imposé ces jeunes artistes parmi les représentants les plus actifs de la nouvelle peinture française. Le terme de « Figuration libre » fut inventé à l’été 1981 par l’artiste Ben, qui qualifiait en ces termes le travail d’Hervé Di Rosa : « 30 % provocation anti-culture, 30 % figuration libre, 30 % art brut, 10 % folie. Le tout donne quelque chose de nouveau. »

Il est donc tout à fait logique qu’Azerty le robot ait été édité par le CAPC – musée d’art contemporain de Bordeaux. Je n’en avais pas conscience à l’époque où j’ai découvert l’album, grâce à la bibliothèque de l’école primaire, mais comment ne pas y voir un appel du destin en faveur de ma future profession d’historienne de l’art ?

L’article du mois : femmes de sciences, on vous spolie !

C’est justement en tant qu’historienne de l’art que je me suis d’abord interrogée sur la condition féminine, au travers de la carrière des femmes peintres entre le XVIe et le XXe siècle. Innombrables furent celles qui durent subir la condescendance, le mépris — et même la violence physique — de leurs collègues masculins, qui leur refusaient souvent l’accès à une reconnaissance pleine et entière. Puis j’ai étendu ma réflexion aux femmes liées à l’histoire de Bordeaux : des artistes, bien sûr, mais aussi des personnalités engagées dans la vie économique, politique, intellectuelle de leur temps. Ces recherches ont donné lieu à une visite guidée, le Bordeaux des femmes, qui vous est proposée par l’intermédiaire du site Paris ZigZag.

À l’occasion d’une des visites de février, j’ai eu le plaisir de faire la connaissance d’Isabelle Camus, alias Serial blogueuse. Bordelaise de l’extrémité des boots à la pointe du couvre-chef, la journaliste anime notamment sur son site la rubrique Ovaires the Rainbow consacrée à la cause des femmes.
Après un article traitant de la répartition des tâches domestiques, le dernier billet en date aborde la question des femmes de sciences. Plus précisément des femmes de sciences que des spécimens peu scrupuleux de « la tribu des poils aux pattes » (collègue, directeur de recherche, époux) ont dépossédé de leurs découvertes. Oh ! Rien que des trouvailles aussi insignifiantes pour le devenir de l’humanité que la fission nucléaire, la structure de l’ADN ou encore le lien entre chromosome et hérédité. De quoi rééquilibrer la litanie des hommes savants dont sont encore pétris les manuels scolaires français…

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